Droit d’entrée
Quand l’Université abrite des chercheurs clandestins payés au RMI


Malgré leurs prestigieux diplômes, la moitié d’entre eux restent sur le carreau



BAC plus 10, thèse de sociologie avec félicitations du jury, des années d'enseignement, plusieurs livres, des publications dans de grandes revues et, au bout du compte, juste le RMI.

Le cas de Serge Dufoulon, sociologue, n'est pas unique. " Nous sommes des centaines dans cette situation, témoigne-t-il. Et des milliers de docteurs ou de thésards s'installent dans la précarité. Ils s'en tirent avec des heures de cours dis- pensées au compte-gouttes, des CES, des petits boulots sur les campus ou à l'extérieur. Quant à moi, je suis candidat depuis deux ans au poste de maître de conférences. En attendant, je survis seul avec 3 000 F par mois et un enfant à charge. »

Actuellement, tous ces chercheurs mis au ban de l'Université naviguent entre espoir et anxiété. Car dans quelques semaines va s'achever le recrutement des futurs enseignants titulaires, principalement des maîtres de conférences. Mais inutile de se prendre à rêver. Pour chaque poste proposé, trente, cinquante voire cent candidats sont en lice.


Chômeurs surdiplômés

Et les choses n'iront pas en s'améliorant. Alors que le nombre de docteurs sortis chaque année de l'Université avoisine les 10 000, le budget de l'Etat finance de moins en moins de nouveaux emplois: 2 222 places de maîtres de conférences en 1993, 1 000 en 1994, et 759 seulement en 1995 ! Pour tout arranger, de plus en plus de postes du supérieur sont réservés aux agrégés issus du secondaire.

Que deviennent alors ces brillants docteurs ès lettres ou ès sciences ? D'après le ministère, sur les 10 000, un quart se retrouvent dans l'enseignement ou les organismes de recherche, et un cinquième sont embauchés par des entreprises ou des administrations. Mais, un an après leur soutenance de thèse, plus de la moitié n'ont toujours pas d'emploi stable et environ 1300 pointent à l'ANPE... Le temps passant, les voici en fin de droits et réduits à toucher le RMI.

Beaucoup de ces exclus bardés de diplômes essaient pourtant de ne pas quitter l'Université. Laquelle les autorise royalement à collaborer, sans être payés, à différents programmes de recherche. " Le travail gratuit est monnaie courante, confirme un syndicaliste enseignant. Il permet à ces bénévoles de rester dans le milieu expérimental. Et surtout de ne pas se faire oublier lorsqu'un poste se débloque. »

Pis, ce provisoire peut durer. " Depuis trois ans, plusieurs "thésards" de mon entourage travaillent gracieusement pour les labos de pharmacologie, note ce prof d'une université méridionale. Après six ans de {ac de pharmacie et un DEA. Pour s'en sortir, certains sont serveurs, d'autres bossent à la gare ou sur les marchés, "


Intermittents des labos

Voilà qui ne peut qu'accentuer encore le phénomène de mandarinat -un directeur de labo entouré d'assistants à sa dévotion -et encourager favoritisme et népotisme lors des recrutements d'enseignants.

Théoriquement nationale, cette sélection se fait parfois plus à la tête du client ou sur relations familiales que sur diplômes. Variante de l'exploitation en milieu universitaire: la sous-traitance. Le « bénéficiaire » assure des cours (souvent des travaux dirigés, en petits groupes) pour le compte d'un prof titulaire qui lui fait cadeau de quelques-unes de ses heures supplémentaires (ou heures de vacation). L'enseignant déclaré encaisse la rémunération, qu'il reverse, de la main à la main, à son prête-nom.

Ce travail clandestin ne fait l'objet d'aucune évaluation, puisqu'il est illégal. Et, officiellement, responsables et comptables des universités n'ont rien à redire sur ce secret de Polichinelle. Une fac comme Paris Vil - Jussieu dispose, par exemple, de 29 000 heures de vacations. L'équivalent de cent cinquante vrais emplois d'enseignants, alors que Jussieu compte un millier de profs titulaires.

Au ministère, une telle marginalisation des chercheurs et des surdiplômés ne fait l'objet d'aucune attention particulière. Il est vrai que François Bayrou se tient depuis des mois soigneusement en dehors des débats autour du projet de loi sur l'exclusion. Encore heureux, ces chercheurs ne figurent pas au nombre des SDF...


Jean-François Julliard





(Encadré)

Recherche introuvable

Alors qu'un nombre croissant de chercheurs ne trouvent pas à s'employer, la moyenne d'âge ne cesse de grimper dans les labos. «Nous travaillons entre quinquagénaires », explique un physicien. L'Université a embauché massivement à la fin des années 60, puis a stoppé les recrutements pendant longtemps. Moralité: toute une génération va céder la place au début du XXI' siècle, sans que la relève soit assurée ».

Car personne ne s'est inquiété de la passation des savoirs. «Tant en physique qu'en chimie et dans les sciences de la vie, il faut quatre à cinq ans pour former un chercheur efficace, même s'il est couvert de diplômes », remarque un professeur au Collège de France.

Et pour former les futurs cerveaux du génie aéronautique ou de la lutte contre le cancer, pas question de retenir les glorieux anciens, Ainsi le CNRS vient-il d’applique un récent décret de Juppé. Conséquence, le professeur Luc Montagnier – co-découvreur du virus du Sida- est prié de partir pour cause de limite d’âge. Pas non plus de compter sur l'intégration des chercheurs étrangers qui ont donné à la France des Marie Curie ou des Charpak. Grâce aux lois Pasqua-Debré, tout est fait pour les décourager: « J'ai dû renoncer à faire venir à Paris des chercheurs africains, a confié au "Nouvel Observateur" (15/5) Jean- François Bayart, spécialiste de ce continent. Cela commence par des heures d'attente sur le trottoir d'un consulat et se termine par une prise de sang à la préfecture de police de Paris pour voir s'ils n'ont pas le sida! »

Jean-Louis Debré pense peut-être qu'ils viennent piller nos frigos, bourré de secrets scientifiques.


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